jeudi 30 juillet 2009

Aux délices d'Adeline ( 26ème jour )

- Tu te souviens de Pernelle ?

- Ah ben oui, oui, quand même !… C’était ma chef de box quand ça faisait école ici… Même que vous nous aviez toutes les deux en cours…

- Elle sera là demain…

- Demain ?!… Pernelle !?

- C’est pour toi qu’elle vient…

- Comment ça ?

- Pour toi, oui… Dès qu’elle a su dans quelle situation tu te trouvais : « - On peut pas l’abandonner à elle-même comme ça… J’arrive… »… Elle est bien décidée à te prendre en mains… D’après ce qu’elle m’a dit c’est une perspective que vous aviez déjà évoquée toutes les deux l’an dernier, mais elle avait estimé que c’était encore prématuré… Tu n’étais pas tout à fait prête… Maintenant si !… Tu as fait d’énormes progrès et tu es enfin en état, me semble-t-il – et je le lui ai dit – d’accepter sans la moindre réserve une autorité qui s’exercerait sur toi sans partage... Et dans ton intérêt... Il est rare que les natures dociles comme la tienne – celles qui ne peuvent s’épanouir vraiment que dans et par l’obéissance absolue – en conviennent de prime abord… La plupart du temps elles se débattent désespérément contre elles-mêmes… Elles jouent aux grandes, s’essaient pitoyablement à voleter de leurs propres ailes… Ce n’est qu’après avoir longtemps erré de catastrophe en catastrophe qu’elles consentent enfin parfois à se rendre à l’évidence… Mais tu es maintenant enfin capable, pour ta part, de faire preuve d’une certaine lucidité… Profites-en pour ne pas laisser passer ta chance… Pernelle est quelqu’un d’exceptionnel… Qui saura très exactement te mener comme tu dois l’être… Elle a jeté son dévolu sur toi… Tu peux en être fière… C’est un honneur que – je l’espère – tu sauras apprécier à sa juste valeur…




- Tu sais pas ce que j’ai appris ?… Il s’en tape une Milàn…

- Ah oui ?… Qui ça ?

- J’en sais rien qui ça… Mais je peux t’assurer que je saurai…

- T’es sûre que c’est pas des histoires ?…

- Non, c’est pas des histoires, non… Toutes les nuits il se casse de son box… Pour quoi faire à ton avis si c’est pas pour aller retrouver une fille ?…

- Qui c’est qui t’a raconté ça ?…

- Basile… Il a son lit juste à côté du sien… Bon, mais tu sais pas ce qu’on va faire ?… Une planque… On se relaiera toutes les deux le soir… On finira bien par savoir où il va… Et surtout avec qui… Ca prendra le temps que ça prendra, mais j’en aurai le cœur net… Parce que attends !… Voilà un type je lui propose carrément de coucher avec… Juste ça : coucher… Sans love story ni tout le tintouin… Il y en a plein ils auraient sauté sur l’occasion… Pas lui… Il m’envoie sur les roses… Gentiment, mais il m’envoie sur les roses…Ca fait pas plaisir… J’ai pas l’habitude, mais bon !… Si ça l’intéresse pas les filles ça l’intéresse pas… On va pas le forcer… Sauf que… ben si ça l’intéresse les filles justement, si, mais pas moi !… Je me prends une de ces claques là… Et en plus, si ça tombe, il y en a demi-douzaine qui y sont passées, va savoir !… Tant qu’à y mettre le nez, beau mec comme il est… Non, mais franchement – dis-moi sincèrement – tu me trouves si repoussante que ça ?…

- Mais non, oh !… Il y en a plein des mecs qui te trouvent à leur goût… Et tu le sais très bien…

- Il y a quelque chose qui m’échappe là… Il y a vraiment quelque chose qui m’échappe…




Monsieur Ménisson s’est avancé, en poussant Coralie devant lui, jusqu’au milieu de la salle de restaurant, a réclamé le silence…

- S’il vous plaît, Mesdames, Messieurs, s’il vous plaît, votre attention !… Depuis hier soir de nombreuses plaintes me parviennent concernant cette jeune serveuse qui se comporte, avec la clientèle, de façon parfaitement inqualifiable…

- Ah oui, alors !…

- C’est une honte de voir ça…

- Il est pas tenu le personnel ici… Pas du tout…

- Moi, si ça continue, je réclame ma note et je vais voir ailleurs…

Il s’est éclairci la voix…

- C’est pourquoi elle va être punie devant vous – et sur le champ – comme elle le mérite…

- C’est un minimum…

- Oui… Il y a des limites à tout…

- Elle l’aura pas volé…

- J’espère que ça va pas faire semblant…

Il a marqué un long temps d’arrêt…

- Et, pour que la leçon porte mieux, c’est, cette fois-ci, l’un d’entre vous – tiré au sort – qui va officier…

Ils se sont regardés les uns les autres, stupéfaits. Et puis des yeux se sont mis à briller, se sont emparés de Coralie avec gourmandise. Fournier nous a fait signe. On a commencé à déambuler entre les tables avec nos corbeilles. Monsieur Ménisson a cru bon de préciser…

- Et un seul billet par personne, bien évidemment !… Un seul billet par personne…




- Le 23…

Un hurlement a troué le silence…

- C’est moi !… Putain, j’y crois pas, c’est moi !… J’ai gagné…

Un type d’une cinquantaine d’années, grisonnant, qui s’est élancé entre les tables, a esquissé un pas de danse, voulu entraîner Coralie, qu’il a saisie par la taille, dans un galop effréné. Il s’est brusquement arrêté…

- Comment je vais te le tanner ton cul, ma petite chérie !… Pour t’en souvenir tu vas t’en souvenir… Un bon moment… Mais d’abord on va te déculotter… En prenant bien son temps… Que tout le monde puisse en profiter… Se régaler…

Il a voulu joindre le geste à la parole. Il a agrippé le bas de la jupe. Il a soulevé. Et il s’est effondré sans connaissance…

- Un médecin !… Il y a un médecin dans la salle ?

Il y en avait un. Qui s’est précipité…




- Je l’ai tué… Je suis sûre que je l’ai tué…

- Mais non !… Un infarctus on en meurt pas à tous les coups… Et quand bien même il serait claqué… Et alors ?… T’y es pour quoi, toi, si de penser à ton cul ça lui affole la pendule ?… Faut qu’on y arrête, les filles, merde, de se sentir coupables de tout et de n’importe quoi… Tout le temps… Partout…




C’était Sarah. Tâche claire dans la nuit. Qui a emprunté l’escalier. Vers le bas. Vers le parc. Qui, sûrement, devait aller retrouver quelqu’un quelque part. Elle aussi. Laurianne m’a enserré le coude de toutes ses forces…

- C’est elle !… La salope !… Non, mais quelle salope !… Son compte est bon…

lundi 27 juillet 2009

Aux délices d'Adeline ( 25ème jour )

Clémence était au beau milieu du lit défait, draps et couvertures rejetés. Avec Benjamin. Et Olivier. Et un autre type. Celui de la 202. Qui a été le seul à lever brièvement la tête vers moi quand je suis entrée avec mon plateau. Qui l’a presque aussitôt renfouie entre les cuisses de Clémence. Elle a poussé un gémissement rauque, refermé les jambes autour de lui. Benjamin et Olivier se sont penchés sur elle. Chacun d’un côté…




- Hier aussi… Sauf que c’était pas le même le troisième…

- Elle est complètement folle Clémence avec ça… Faut espérer pour elle que ça finisse pas par lui retomber d’une façon ou d’une autre sur le coin de la figure … Parce que ce jour-là…

- Ils pourraient au moins fermer la porte… De quoi t’as l’air, toi, quand tu débarques là-dedans avec ton petit déj…

- Elle en a rien à foutre… Au contraire !… Ca l’excite si ça tombe…

- Celui que je comprends pas, moi, là-dedans, c’est le mari… Non, mais comment j’aurais pas aimé ça, moi, que mon mec il me laisse coucher avec n’importe qui…

- Faut croire qu’il y tient pas beaucoup…

- Elle, elle prétend que c’est tout le contraire… Qu’un type qui t’aime vraiment il a envie que tu t’éclates le plus possible… Même que ce soit avec d’autres…

- Tu parles !

- Elle a pas toujours dit ça… Je me rappelle au début : elle avait qu’une trouille c’est que son mari il découvre le pot-aux-roses…

- Oui, mais ils ont parlé tous les deux, il paraît… Ils se sont expliqués…

- Et elle l’a roulé dans la farine… Ca, tu peux y aller qu’elle sait y faire…




La Catherine m’a lancé un regard affligé…

- Non, mais tu peux me dire ce que tu es encore allé inventer ?… Dès qu’il y a une connerie à faire tu la loupes pas, toi, hein ?!…

- C’est elle… C’est Adeline… Elle a absolument voulu que je l’accompagne…

- Et alors ?… Si elle te demandait d’aller te pendre Adeline tu irais ?… Tu es incroyable… Je t’avais pourtant prévenue… Je t’avais pas dit de pas t’en mêler ?… De la laisser régler ses problèmes toute seule avec Ménisson Adeline ?… Je te l’avais pas dit ?

- Si !…

- Eh bien alors !… Ah, tu peux être fière de toi !… Parce que là maintenant tu as gagné le gros lot… Il est remonté comme une pendule Ménisson et bien décidé à te flanquer dehors…

- Adeline m’avait dit…

- Le jour où t’auras compris qu’elle compte pas Adeline, qu’elle a jamais compté… Et que tout ce qu’elle peut raconter ou promettre ça n’a pas la moindre importance… Bon, mais tu vas faire quoi ?… Parce qu’il faut regarder les choses en face… Tu finiras pas la semaine ici…

- Je sais pas…

- Tu sais pas… Evidemment… Evidemment… Toi, s’il y a pas quelqu’un pour décider à ta place… Bon, mais on te trouvera une solution… Je vais m’en occuper… Personnellement…




- Vous savez pas quoi ?

Elle jubilait Coralie. Elle jubilait littéralement…

- Hein ?… Vous savez pas quoi ?… Eh bien ils ont fait une pétition les clients… Contre moi… Enfin pour moi plutôt… Ils sont tout un tas à vouloir m’en voir prendre une… Et moi !… Personne d’autre… Vous pouvez pas savoir ce que ça m’a fait quand il m’a annoncé ça Ménisson… Parce que pourquoi moi ?… Qu’est-ce que j’ai de plus qu’une autre ?… Et comment ça te fait drôle de penser que pendant que tu les sers au restaurant, toi t’as pas l’impression, mais eux ils arrêtent pas d’en rêver et de te regarder avec ça dans la tête… Qu’est-ce que je voulais faire il m’a demandé Ménisson… « Parce que vous n’êtes pas obligée, hein, Coralie… Vous ne pouvez être punie qu’en cas de manquement grave… C’est clairement spécifié dans la notice qu’on leur remet… Alors c’est à vous de voir… A vous de décider… Parce qu’il est bien évident que si votre comportement venait à le justifier nous serions amenés à réagir en conséquence… »… Sûr qu’ils vont être amenés et que je vais pas laisser passer l’occasion… Parce que comment ça me fait trop fondre qu’ils en aient tous tellement envie… Non… La seule chose que je regretterai c’est qu’il soit plus là pour voir ça Escobar… Et pour le dessiner…




A tâtons dans l’obscurité. Je me suis cognée à quelque chose de dur qui est tombé avec un grand fracas…

- C’est toi ?

- Oh, Milàn !… Tu es là… J’avais tellement peur que non… J’ai tellement besoin de toi ce soir…

Je me suis blottie contre lui…

- Garde-moi !… Serre-moi fort !…

Sans bouger. Sans parler. Juste contre lui. Bien. Si bien…




- Mais tu pleures !… Qu’est-ce qu’il y a ?…

- Non, c’est rien !… Laisse !… T’occupe pas !…

- Mais si !… Qu’est-ce qui se passe ?… Dis-moi !… Quelqu’un t’a fait du mal ?…

- Non, oh non !… Je suis juste un peu triste… Ca m’arrive des fois… Mais promets-moi une chose…

- Oui ?!… Quoi donc ?…

- Que si un jour on devait plus se voir, qu’on partait chacun de son côté, tu penserais quand même quelquefois à moi…

- Oh alors ça !… Même si je voulais je pourrais pas m’en empêcher…

- C’est vrai ?… Fais-moi l’amour… Tout doucement… Tout tendrement… Le plus tendre que tu peux…

jeudi 23 juillet 2009

Aux délices d'Adeline ( 24ème jour )

Je finissais tout juste de me changer, en haut, quand Coralie a surgi…

- Alors ça y est !… T’es rentrée ?… Qu’est-ce qu’il y a eu ?… Où t’étais passée ?… Eh bien raconte, quoi !…

- Il y a pas grand chose à raconter… Adeline avait un rendez-vous professionnel important et elle a voulu que je l’accompagne… Histoire de pas faire la route toute seule… Voilà… C’est tout…

- Ah oui, c’est tout ?… Si tu savais tout ce qui s’est dit… Que vous aviez été enlevées et que Ménisson avait reçu une demande de rançon… Que vous étiez séquestrées par un groupe anti-fessée qui voulait vous obliger à fermer l’hôtel… Que vous vous étiez enfuies en Amérique du Sud avec le magot… Que…

- Ben, tu vois, c’était rien de tout ça… C’était beaucoup plus simple…

- Et tu sais quoi ?… Eh bien pendant ce temps-là il est parti Escobar…

- Parti ?… Comment ça parti ?

- Rentré chez lui… Il pouvait pas rester… A cause de son boulot… Mais on va s’écrire… On s’est promis… Et j’irai le voir… Il veut bien… Il m’attend même… Il me l’a dit… Et lui, tu vois, c’est quelqu’un, j’ai jamais connu quelque chose de pareil… Avec personne… Je sais pas comment dire… C’est comme si les trucs habituels – se plaire, s’aimer, tout ça – ça n’avait plus aucun sens… Comme si c’était complètement dépassé et qu’on était noués tous les deux, à l’intérieur, à un endroit où il se passe des choses beaucoup plus importantes… Que personne peut comprendre… Et qu’on peut pas expliquer non plus…




- Vous savez ce qui avait été dit ?… Convenu ?…

- Pas devant elle !… Oh non !… Pas devant elle !

- Parce que ce n’est pas devant elle peut-être – et en sa compagnie – que Madame la Directrice s’est montrée désobéissante ?… Eh bien ?!… Répondez, Madame la Directrice !…

- Si, mais…

- Il n’y a pas de mais qui tienne… Et vous allez me faire le plaisir de reconnaître à haute et intelligible voix, ET DEVANT ELLE, que vous avez très largement mérité d’être punie… J’attends…

Elle l’a dit très vite. Très bas…

- J’ai mérité d’être punie…

- Vous vous moquez du monde… Une fois de plus vous vous moquez du monde… Mettez-vous à genoux… Là… Les mains sur la tête… Et vous savez ce qui vous reste à faire… A dire…

- J’ai mérité d’être punie…

- C’est mieux… C’est beaucoup mieux… Vous allez l’être… C’est promis… Et vous allez l’être comment ?…

- Je vais recevoir la fessée… Déculottée…

- Ah ben vous voyez !… Vous voyez que vous pouvez faire preuve de beaucoup de bonne volonté quand vous voulez… C’est bien… C’est très bien…

Il a pris place dans le fauteuil directorial derrière le bureau…

- Venez ici !… Là… Vous allez commencer par nous mettre gentiment ce petit derrière à l’air… Eh bien ?!… Allez !… Qu’est-ce que j’ai dit ?… Ne m’obligez pas à… Voilà… Vous voyez que c’est pas la mer à boire… Et retirez vos mains !… Vous êtes toutes faites pareil… Ces pudeurs sont ridicules…

Elle l’a fait et elle est restée là, à ses côtés, bras ballants. Il a allumé une cigarette dont il lui a méthodiquement soufflé la fumée à la figure. Qu’il a fait interminablement durer. Dont il lui a enfin tendu le mégot…

- Tenez, débarrassez-moi de ça !…

Elle a obéi, est allée l’écraser dans le cendrier sur la petite table basse, est revenue. Il l’a attirée sur ses genoux..

- Installez-vous !… Confortablement… Ca risque d’être long…

Il a levé la main…




- Là… Ce sera tout pour aujourd’hui… Filez !…

Elle s’est enfuie, sans un mot, en se frottant les fesses…

- Tu es contente ?… Tu es fière de toi ?… C’est bien ce que tu voulais ?…

- Moi ?!…

- Oui, toi !… Tu te crois très maligne, hein ?!… Malheureusement pour toi je vois clair dans ton jeu… Très clair… Depuis le début… Et je suis pas le seul… Alors écoute-moi bien !… Maintenant ça suffit… Tu vas me faire le plaisir de lui ficher la paix à Adeline…

- Mais je n’ai jamais…

- Tu te tais… Je ne discute pas avec toi… Contente-toi de noter que je t’interdis d’avoir désormais quelque contact que ce soit en tête à tête, sans témoin, avec elle… Et ne t’avise pas de passer outre… Ce serait immédiatement la porte… Est-ce que c’est bien clair ?…

- Oui…

- Parfait… Tu peux disposer…




- Tu dors pas ?…

Non, je dormais pas, non… J’attendais qu’elle dorme, elle, pour m’éclipser discrètement et monter là-haut… Là-haut où…

- J’ai pas beaucoup avancé avec Milàn pendant que t’étais pas là… C’est pas faute d’avoir essayé pourtant, mais il y a quelque chose qui coince quelque part… Je sais pas où… Ni pourquoi… Il est déroutant ce type… Avec les autres quand t’as envie c’est jamais bien compliqué… Tu sais toujours comment faut t’y prendre… Ils fonctionnent tous pareil… Pas lui… Tout ce qui marche du feu de Dieu d’habitude ça lui glisse dessus comme sur les plumes d’un canard… Oh, mais je désespère pas… Il doit bien y avoir moyen de l’attraper… D’une façon ou d’une autre… J’y arriverai…

Elle s’est tue…




Elle a respiré profond… Régulier…

- Tu vas où ?…

- Hein ?… Mais nulle part… Ouvrir la fenêtre… Il fait une chaleur à crever là-dedans…

Et je me suis recouchée…

lundi 20 juillet 2009

Aux délices d'Adeline ( 23ème jour )

- Adeline !… C’est l’heure !…

- J’en ai rien à foutre !…

Et elle s’est tournée de l’autre côté…





Nouvelle tentative sur le coup de neuf heures…

- T’en as pas marre de faire chier le monde ?… J’ai pas fermé l’œil de la nuit, moi !…





Elle a surgi, tout sourire, à midi…

- Vu comment elle est entamée la journée autant rester là maintenant… On rentrera demain… Ce sera bien suffisant… Et s’ils sont pas contents c’est du pareil au même… Bon, mais tu viens ?… On va casser une croûte ?… Je crève de faim, moi !





- Et de toute façon je dois le revoir ce soir Corentin en plus !… On reprend un plateau de fruits de mer ?… Comme hier ?… Tant qu’on est là autant en profiter… Oui… Je dois le revoir… Et c’est lui qu’a proposé, hein !… C’est pas moi qu’ai demandé… Je veux pas me faire un film, mais je crois bien que… Il y a des signes qui trompent pas… Un mec quand tu le chavires ça te saute tout de suite aux yeux… Rien à voir avec celui qu’a juste envie de te tirer… Et là, à lui, je peux te dire que je lui fais de l’effet… Et pas qu’un peu… Ce qui me simplifie pas les choses d’ailleurs… Parce qu’il va se passer quoi après ?… S’il faut que je redescende sans arrêt ici ça va vite coincer… Pour plein de raisons… Quant à l’emmener, lui, s’installer là-haut c’est complètement exclu… Pour plein de raisons aussi… Enfin… inutile de se prendre le chou à l’avance… On verra bien, mais… mais je sais pas pourquoi, j’ai l’impression que ça va me permettre de décanter sérieusement la situation tout ça…





Elle a passé la moitié de l’après-midi dans la baignoire, l’autre moitié devant la glace de sa salle de bains et, à sept heures, elle était fin prête…

- On y va ?…

- Déjà !?

- Faut qu’on y soit à l’ouverture… Parce que t’imagines qu’il me trouve pas en arrivant et qu’il reparte en croyant que je lui fais faux bond !…





- Mais qu’est-ce qu’il fout ?… S’il avait un empêchement il me préviendrait quand même !… Non ?… Tu crois pas ?… Oh, mais il va arriver… C’est juste que… Comment ça me met les boules… Il joue avec mes nerfs là… Il joue vraiment avec mes nerfs… Mais pourquoi ?… Pourquoi il fait ça ?… Qu’est-ce qu’il veut ?… Il y a quelque chose qui m’échappe, là… Il y a vraiment quelque chose qui m’échappe… Il le fait exprès ?… A ton avis ?… Mais évidemment !… Que je suis bête !… Evidemment qu’il le fait exprès… C’est un malin… Je l’adore…





- Alors toi, tu crois qu’il m’a posé un lapin ?… Mais ça c’est parce que t’as pas vu comment il était amoureux hier soir… Et tendre… Tout ce qu’il y avait dans ses yeux… Dans ses gestes… Dans ses mots… Et parce que tu prends toujours les choses du plus mauvais côté… A croire que ça te fait plaisir… Que t’aimes ça quand tout tourne mal…





- Tu devrais pas tant boire…

- J’ai pas tant bu… Juste… Je sais plus… J’ai pas compté… Quand on aime on ne compte pas… Et puis d’abord qu’est-ce que ça peut te foutre ?… T’es pas ma mère… Réponds !… Est-ce que t’es ma mère ?… Ah, tu vois bien… Vaut mieux pour toi d’ailleurs… Parce que si t’étais ma mère t’en prendrais plein la gueule… Ca te ferait du bien… Et à elle aussi… Bon, mais on s’en fout d’elle… C’est mon petit Corentin que je veux… Mon petit Corentin avec ses yeux que tu te noies dedans et sa queue toute douce qui te fond dans la bouche… Qu’est-ce que t’attends pour aller me le chercher ?… Au lieu de rester plantée là, les bras ballants, comme une cruche que tu es… Oui, va me le chercher… Et tâche de le trouver… Parce que sinon je te vire… Allez, hop !… C’est Ménisson qui serait content… Je le vois d’ici… “ - C’est la première fois que vous prenez une décision intelligente, Mademoiselle Ternat… » Mais où il peut être ce con ?… Il est forcément quelque part… Corentin !?… Hou !… Hou !… T’es où ?…





- Faut y aller… Ils ferment…

- Déjà ?!… Il viendra plus alors… Mais pourquoi il m’a fait ça ?… Pourquoi ?… Quel salaud !… Une belle petite ordure, oui !… Je m’en souviendrai… Alors ça… Je m’en souviendrai… Il a pas intérêt à recroiser ma route… Il me paierait ça… Il me paiera ça… Ils me paieront ça… Tous… Bouge pas qu’il y en ait un qui me tombe entre les mains de mec… Tiens, celui-là qu’arrive là !… Pauvre connard, va !… Hou là là !… Ca tourne… Tiens-moi, toi !… Et me lâche pas !… Hou là là !… Comment ça tourne…





- J’y arrive pas…

A se déshabiller…

- Non, j’y arrive pas… Faut que tu m’aides… Je crois bien que je suis saoûle… Et pas qu’un peu… En tout cas moi les mecs cette fois c’est fini… Et bien fini… Je l’ai déjà dit je sais pas combien de fois, oui, je sais… Mais ce coup-ci c’est pour de bon… J’en ai marre… J’en ai vraiment marre de me faire prendre sans arrêt pour une conne… Qu’est-ce qu’ils s’imaginent ?… Qu’ils sont indispensables ?… Qu’on peut pas se passer d’eux ?… Eh bien si !… Très bien… Très très bien même… Et si c’est que pour le cul il y a moyen de se débrouiller toutes seules… Ou entre nous… La preuve c’est que…

Elle a pouffé de rire…

- C’est que quoi ?…

- Non… Rien… J’ai promis de pas le dire… Mais si tu savais !… Elle a de ces idées des fois Catherine !… Et encore t’as pas tout vu !… On est en train de s’occuper de toi en coulisse… Et comme il faut !…

jeudi 16 juillet 2009

Aux délices d'Adeline ( 22ème jour )

Elle était là, immobile en bas du perron, dans le petit jour naissant. Elle m’a regardée approcher, a mis un doigt sur ses lèvres, m’a fait signe de la suivre. On a longé silencieusement le parc, contourné le verger. Elle avait la clé de la petite porte en contrebas. Sa voiture était garée juste en face. On a démarré en trombe…

- On va où ?…

- T’avais dit à Lyon…

- A Lyon ou ailleurs… On s’en fout… On fait ce qu’on veut… On est libres… Pour une fois qu’on est libres…

Elle a éclaté de rire…

- La tête de Ménisson tout-à-l’heure quand il va découvrir que j’ai fugué… J’aimerais être une petite souris pour voir ça… Il va être dans une colère, mais une colère !… Et quand il saura que c’est avec toi en plus !… Il peut pas te sentir… Il va dire que c’est toi qu’as tout manigancé… Que tu me manipules… C’est son grand truc, ça… Tu me manipules… Ah, tu peux t’attendre à en ramasser une belle quand on va rentrer… Bon, mais c’est pas tout ça… On va où ?… Parce qu’on roule… on roule… Faudrait bien finir par se décider… T’as envie qu’on aille où ?…

- Où tu veux… Moi, ça m’est complètement égal…

- Et si on allait à la mer ?… Avec le temps qu’il fait !… Ca fait guère plus loin que Lyon en fin de compte… Hein ?!… Qu’est-ce t’en dis ?… Allez, hop !… Direction la mer…




- Comment on est bien !…

Installées côte à côte toutes les deux, en front de plage, sous un large parasol écru, devant une immense assiette de fruits de mer…

- Il y a longtemps que je m’étais pas sentie aussi bien…

Elle s’est offerte au soleil, les yeux clos, les bras abandonnés sur les accoudoirs…

- Tu sais ce que je me demande – souvent – c’est où j’en serais s’il y avait pas eu Félicien… Sûrement au même point qu’avant… Je travaillerais en cuisine… Sans doute toujours avec Fournier… J’aurais un copain attitré… Peut-être Sylvain… On s’entendait bien tous les deux… On ferait des projets tout simples… On n’aurait peut-être pas beaucoup d’argent, mais au moins ce qu’on se paierait on l’aurait gagné… Mais il y a eu Félicien… Je me demande bien pourquoi d’ailleurs… Et comment c’est arrivé… Parce que ça me ressemble pas du tout un truc pareil… Mais bon… On peut pas revenir en arrière… Enfin si, je pourrais, mais ce serait beaucoup trop compliqué… De toute façon j’ai pas vraiment envie… Il m’emmerde pas Félicien… Pourvu que je lui mette une bonne trempe de temps en temps… Et encore !… Je peux bien le laisser des semaines sans en prendre… Il est content quand même… Quoi que je décide, quoi que je fasse il est toujours content… Pourvu que ça vienne de moi… Non… Le vrai problème c’est Ménisson… Qui m’étouffe… C’est rien de le dire… Mais d’un autre côté si je l’avais pas Ménisson… Oh, et puis merde !…

Elle s’est levée…

- Je reviens…




- J’ai appelé là-bas…

- Oui… Et alors ?

- Et alors… il nous met en demeure de rentrer… Tout de suite… Qu’il aille se faire foutre…

- Tu lui as dit ?

- Pas comme ça… Mais le sens y était… Tu viens ?… On va à la plage ?…




C’est d’abord passé… Entre la mer et nous… Dans un sens… Dans l’autre… Revenu… Deux types… Qui ont regardé avec insistance dans notre direction… Avec de plus en plus d’insistance…

- Tu paries qu’ils vont être pour notre pomme ceux-là ?…

Ils se sont mis à dessiner autour de nous des cercles concentriques de plus en plus étroits…

- Ca va être quoi leur truc ?… Nous demander l’heure ?… Si on est du coin ?… En train de bronzer ?… Non… Non… Ca, c’est le genre qui se croit irrésistible… Ils vont y aller franco… Nous proposer d’emblée de nous payer un coup à boire…




- Salut !… On vous offre un verre ?…

On a éclaté de rire…

- Qu’est-ce qu’on a dit de si drôle ?…

- Rien… Justement… Absolument rien… On avait un peu d’espoir… Que vous alliez faire preuve d’un minimum d’originalité… Sortir de l’ordinaire… Ben non !… C’est raté… Alors ou vous êtes très cons ou vous nous prenez pour des connes… Dans un cas comme dans l’autre…

- Non, mais c’est quoi ces pétasses ?… Vous êtes même pas belles en plus !…




- Et voilà !… Bon débarras !… On allait quand même pas se coltiner ces deux blaireaux la moitié de l’après-midi… Parce que c’est vrai que pour une fois que j’arrive à m’échapper je me serais bien payé un petit extra vite fait… Histoire de m’éclater… Depuis le temps que ça m’est pas arrivé… Mais bon… Pas à n’importe quel prix… S’il faut que tu te tartines le gros lourd de service toute une soirée sous prétexte de passer un bon moment au lit !… Et encore !… T’es même pas sûre… Tant que tu l’as pas essayé le type tu peux pas savoir s’il assure… Alors si c’est pour même pas prendre mon pied et me retrouver avec un mec que j’arrive pas à décoller sur les bras merci bien… Je préfère encore m’amuser toute seule… Au moins je suis sûre de mon coup…




- Pauvre connard, va !…

Elle venait de rappeler « là-bas »…

- Mais pourquoi t’as fait ça ?…

- Parce que… Pour savoir… Pour… Oh, et puis merde !… Magne-toi de finir ta glace… On va pas rester à moisir ici… Il doit bien y avoir des boîtes dans le coin…




Quand je suis revenue de la piste elle était au bar, juchée sur un tabouret et en pleine conversation avec un grand costaud brun qui la faisait rire aux éclats…




Elle a passé la tête par la porte de la chambre…

- Tu dors pas ?

Non, je dormais pas, non !… Avec le raffût qu’ils faisaient tous les deux à côté…

- C’est super !… Tu verrais ça !…

Ca avait l’air en tout cas…

- Mais tu me réveilles demain surtout, hein !… A sept heures… Faut absolument qu’on remonte là-haut…

lundi 13 juillet 2009

Aux délices d'Adeline ( 21ème jour )

Laurianne lui a tout juste laissé le temps de prendre place sous la douche à Milàn…

- Tu peux me dire un truc, là ?… Tu disparais où tous les après-midi comme ça ?… Parce que t’as pas l’air de t’en rendre compte, mais tout le monde se pose la question…

- Oh, si, je me rends compte, si !… Discrètes comme vous l’êtes !…

- Si tu cherchais pas aussi !…

- Moi ?…

- Ben oui, toi !… On croirait que ça t’amuse… Que tu sais pas quoi inventer pour attirer l’attention…

- Ben alors ça, c’est la meilleure !…

- Tu crois pas qu’il vaudrait cent fois mieux dire carrément les choses une bonne fois pour toutes, non ?… Que t’aies une nana – ou un mec si tu préfères les mecs – c’est ton droit et c’est toi que ça regarde… Mais à faire tous ces mystères, comme tu fais, comment tu veux que les gens ils essaient pas de savoir, qu’ils aillent pas imaginer tout un tas de trucs ?…

- Mais il y a rien à imaginer !… Ni à savoir !…

- Peut-être !… Mais en attendant tu veux toujours pas dire ce que tu fais tous les après-midi…

- Mais rien enfin !… J’ai besoin d’être seul… De pas parler… De voir personne… C’est tout !… Il y a vraiment pas de quoi fouetter un chat…

- Ca, c’est sûr !… Ni de faire toutes les histoires que tu fais…




- Et voilà !… T’as vu ça ?… J’en étais sûre… C’est comme ça qu’il faut le mener, lui !… Tambour battant… Tu lui rentres dans le lard et t’en obtiens tout ce que tu veux… C’est bon à savoir… Parce que je vais foncer et je donne pas deux jours avant de l’avoir croqué en beauté… D’autant que – tu l’as entendu comme moi – il a personne… Alors si vraiment j’y arrive pas, je me fais nonne, tiens !… Ou un truc dans ce genre-là…




- Si c’était à refaire… Je sais bien que j’en ferais hurler plus d’un… mais si c’était à refaire je m’abstiendrais… Et comment !… Parce que ça m’a apporté quoi tout ça ?… Rien… J’ai du pognon, oui !… Je sais même pas combien… Et j’m’en fous… Pour ce que ça me sert !… Je peux me payer des trucs, ça c’est sûr… Tous les trucs que je veux… J’ai envie de rien… Je les fais même plus les magasins… Parce que toute seule… Tout ce que j’ai gagné dans cette histoire c’est que mes copines m’adressent quasiment plus la parole… Paraît que je me la pète… Que je suis devenue imbuvable… Ben voyons !… C’est facile… Non… Ce qu’il y a c’est qu’elles crèvent de jalousie… Ca se voit comme le nez au milieu de la figure… Si elles savaient !… Même avec les mecs… Parce que je sais pas ce qu’elles vont s’imaginer !… Ils ont qu’une seule chose en tête, les mecs… Pas de me sauter, non, ça, c’est plus qu’en option… De se placer… Parce que avec mon hôtel-restaurant qui tourne du feu de Dieu je suis devenue une fille vraiment intéressante… Ils voudraient bien gagner le gros lot… Tu les verrais faire !… Tout ce qu’ils sont pas capables d’inventer… De raconter… Ils me dégoûtent… Si tu savais ce que j’ai envie de me tirer des fois… De tout plaquer… De foutre le camp… N’importe où… De tout recommencer à zéro quelque part où personne me connaîtrait… Ce serait une belle connerie, oui, je sais… Il a raison Ménisson… Huit jours après je rappliquerais la queue entre les jambes… Le jour où je saurai vraiment ce que je veux… Ca viendra peut-être… Quand je serai vieille ou qu’il se sera passé je sais pas quoi… En attendant ils continuent à s’enculer les uns derrière les autres les jours… Sans qu’il y ait jamais rien dedans… J’en ai marre… Tu peux pas savoir ce que j’en ai marre… Ce qu’il faudrait c’est que… Non… Ce qu’il faut surtout c’est que je me bouge… Demain je vais à Lyon, tiens !… Tu viens avec moi ?…

- A Lyon ?… Pourquoi à Lyon ?…

- Et pourquoi pas à Lyon ?… N’importe où… Ca n’a pas d’importance… Allez, hop, je t’emmène !… Et qu’il essaie de dire quelque chose Ménisson pour voir !…




La Catherine m’attendait sur le pas de la porte de sa chambre, un foulard à la main…

- Eh ben dis donc !… T’en as mis un temps !…

- Désolée… Le service…

- Tourne-toi !… Ce soir à toi aussi je vais te bander les yeux… Et ne demande pas pourquoi… C’est comme ça… Un point c’est tout… Là… Ca serre pas trop ?… Tu vois quelque chose ?… Non ?… Tu le dirais pas n’importe comment… Mais avec ça par-dessus – quelque chose qu’elle a mis en place et ajusté par derrière – il y a pas de risque…

Elle m’a prise par le coude, guidée à travers la chambre…

- Voilà ta petite camarade, ma chérie !… Qui va bien s’occuper de toi… Comme l’autre jour…

Sur le lit ça a bougé… Elle a ri…

- Oh oui, tu es impatiente, hein !… Mais ça vient !… Ca vient !…

Elle m’a poussée vers le lit, installée entre ses cuisses…

- Là… Et tu nous fais ça en artiste, toi, hein ?!… Qu’elle perde complètement pied… J’adore ça quand elles perdent pied…

Elle a perdu pied. Très vite. Elle a battu l’air, le lit, les oreillers. Elle s’est cabrée. Elle a déclamé son plaisir, l’a rugi…




Elles ont chuchoté. La porte. Ouverte. Refermée. On m’a retiré le bandeau. Catherine était seule…

- Bien… Très bien… Tu t’es appliquée… Je suis très contente de toi…

- C’était qui ?…

- Séverine… Qui voulais-tu que ce soit ?…

- Non, c’était pas Séverine… C’était pas son goût… C’était pas son odeur… C’était pas son… C’était pas elle…

- Et alors ?… Qu’est-ce que ça change pour toi ?… Elle ou une autre… Tu fais ce qu’on te demande… Ce que j’ai décidé que tu ferais… Sans poser de questions… Est-ce que c’est clair ?… Eh bien ?… Tu réponds ?

- Oui, c’est clair… Oui…




Là-haut, dans notre cachette, Milàn dormait paisiblement. Je ne l’ai pas réveillé. Je suis redescendue…

jeudi 9 juillet 2009

Aux délices d'Adeline ( 20ème jour )

- C’est elle !… Je te disais bien que ce serait elle le petit déj aujourd’hui…

- Et toute nue !… On te l’avait pourtant interdit… On te l’avait pas interdit ?… Eh bien réponds !…

- Non, mais regarde-moi ça !… Regarde-moi comment elle te toise de son petit air supérieur… Et elle te répondra pas… Elle est au-dessus de ça… Pour qui elle se prend celle-là ?… Tu vas quand même pas supporter ça, Paul, enfin !… Tu vas pas la laisser faire…

- Sûrement pas, non !… Baisse les yeux, toi !… Eh bien ?!… T’entends ce que je te dis ?…

- Mais ils sont baissés !…

- Ne réponds pas !… Et regarde-moi quand je te parle !… Eh bien ?!… Tu vas me regarder, oui ?… Non, mais tu cherches, hein !… Tu cherches vraiment… Je t’avais pas dit de baisser les yeux ?…

- Ben si, mais vous…

- Recommence pas à discuter !… Bon, mais cette fois ça suffit !… On s’est montrés suffisamment patients… Tu fais preuve de tellement de mauvaise volonté que tu ne nous laisses pas vraiment le choix… On va devoir aller se plaindre en haut lieu… A moins qu’on règle ça ici tous les trois en interne… Qu’est-ce que tu préfères ?… Une fessée, ici, maintenant, entre nous, ou une fessée publique, plus tard, de la main de tes supérieurs ?

- Ici… Maintenant… Avec vous…

- Alors ce sera plus tard… En public…




Elle lui a dit quelque chose à l’oreille. Ils se sont longuement concertés tous les deux à voix basse…

- Tu as de la chance, beaucoup de chance, que Flora ait décidé d’intercéder en ta faveur… Parce que sinon… J’espère qu’en contrepartie tu sauras lui manifester un minimum de gratitude… Ce serait la moindre des choses…

Il s’est assis au bord du lit…

- Viens là !…

En travers de ses genoux. De son bras gauche il m’a solidement immobilisée contre lui… Elle, elle s’est emparée de mes poignets…

- Parce que j’ai horreur de ça celles qui essaient de se protéger avec leurs mains…

- Bon, ben en avant pour le quadrille…

- Tu la fais bien gigoter, hein, Paul !… Tu sais comment j’aime ça quand elles gigotent…




Il m’a laissée lourdement retomber au pied du lit elle est aussitôt venue me remplacer sur ses genoux…

- Qu’est-ce que tu lui as bien fait !… Beaucoup mieux que les autres filles les autres fois…

Elle a passé ses bras autour de son cou, s’est pressée tout contre lui…

- Mais c’est qu’elle le méritait aussi… Encore plus que les autres… Hein qu’elle le méritait !?…

- Et comment qu’elle le méritait !… File au coin, toi !… Les mains sur la tête !… Et essaie de te retourner pour voir…

Derrière moi il y a eu des bruits de baiser, de succion, des halètements…

- Comment il est rouge !… Comment tu lui as mis rouge !… Oh, je t’aime !… Si tu savais comme je t’aime…

Ca s’est emballé. Le lit a grincé. Elle a psalmodié son plaisir à pleine gorge…




- En tout cas il y en a une qui donnerait cher pour savoir à qui appartiennent ces lèvres qui lui ont donné tant de satisfaction hier…

- Séverine…

- Evidemment Séverine… Mais elle ne saura pas… Elle n’a pas à savoir… Elle a joui : c’est tout ce qu’on lui demande… C’est tout ce que je lui demande : qu’elle m’abandonne le spectacle de son plaisir… Et j’étais sûre qu’en te choisissant, toi, pour t’occuper d’elle, il n’y avait pas le moindre risque que je sois déçue… Je misais sur le bon cheval… Et tu sais pourquoi ?… Parce que toi, tu es totalement inapte au plaisir… Pour être capable d’en donner, d’en donner vraiment, il faut, contrairement aux apparences, être incapable d’en éprouver… Ne pas se reconnaître le droit d’en éprouver… Ou seulement par procuration… Tu comprends ?… Non… Tu ne peux pas… Tu peux seulement soupçonner un peu, de loin, de quoi il retourne… Parce que tu es, par nature, prédisposée à privilégier l’autre au détriment de toi-même… Mais ça ne suffit pas… Des dispositions naturelles ça se travaille… Pour que tu comprennes vraiment, de l’intérieur, il faudrait que je puisse te prendre en mains au quotidien… Tu es douée… Tu ferais des progrès fulgurants… On obtiendrait des résultats spectaculaires… Tu aimerais ?…

- Je sais pas…

- C’est exactement la réponse que j’attendais… La seule qui convienne… Parce qu’elle implique que ce sont toujours les autres qui décident à ta place… Même – surtout ? – quand ça te concerne au premier chef… C’est bien… C’est très bien… C’est parfait… Tu mérites vraiment que je m’occupe de toi… Je vais y réfléchir… Je finirai bien par trouver une solution…



Elles se sont enfin endormies. Le billet de Milàn serré dans ma poche je me suis relevée sans bruit. Le temps de m’habituer à l’obscurité et j’ai entamé l’escalier du grenier tout au bout là-bas. Les marches ne grinçaient pas. Presque pas. La deuxième porte il avait dit. Elle était ouverte. Il était là. Il m’attendait. Il m’a prise contre lui…

- Comme tu m’as manqué !… Si tu savais !…

On a entrelacé nos impatiences, emmêlé nos désirs, perdu pied…




- Milàn !…

- Quoi ?… Qu’est-ce qu’il y a ?…

- On s’est endormis !… T’imagines qu’on se réveille pas à temps demain et qu’on nous cherche partout… On aurait bonne mine…

- Les choses seraient claires au moins… Elles me ficheraient peut-être enfin la paix…

- Oui, ben alors là, ça, c’est pas demain la veille…

lundi 6 juillet 2009

Aux délices d'Adeline ( 19ème jour )

- Vous voulez un scoop, les filles ?… Eh ben ça y est !…

- Qu’est-ce qui y est ?

- Clémence… Quand j’ai porté le petit déj à la 108 tout à l’heure je les ai trouvés tous les trois… Elle au milieu… Entre le mari et l’amant… Ils m’ont même pas entendue tellement ça dormait… Faut croire que la nuit avait été agitée…

- C’était obligé que ça finisse comme ça… Obligé…

- Même qu’elle essaie de se faire croire le contraire je suis bien tranquille qu’au fond elle est ravie… Seulement ça c’est vraiment pas le genre de trucs que tu peux aller t’avouer facilement à toi-même…




- Et tout ça pour quoi ?… A cinq elles s’y sont mises… Fallait les voir ce matin penchées, avec des airs de conspiratrices, sur un plan du parc qu’elles ont passé la moitié de la nuit à peaufiner… Se répartir les postes d’observation au terme de savantes négociations et de besogneuses tractations… Tout ça pour arriver à le laisser s’évanouir dans la nature Milàn… Personne sait ce qu’il est devenu… Et maintenant elles en sont à imaginer qu’il existe un souterrain secret qui, du parc, mène quelque part en ville… C’est vraiment du grand n’importe quoi… Mais si ça les amuse !… Ca les occupera… Et moi, pendant ce temps-là… Parce que j’aurai pas besoin de toutes ces simagrées pour mettre la main dessus !… De l’endroit où il se planque j’ai même déjà ma petite idée… Et si c’est ça… Si c’est ça il va y passer à la casserole… On verra s’il sera encore homo quand je me serai occupée de son cas…




- Je suis nulle par moments… Complètement nulle… Parce que si je l’avais pas Ménisson !… Il porte tout sur ses épaules… Tout… Mon rôle à moi ce serait au moins d’essayer de le seconder… Dans la mesure du possible… Eh bien non !… Au contraire… Je trouve rien de mieux à faire que de lui mettre sans arrêt des bâtons dans les roues… Faut vraiment qu’il ait une patience d’ange avec moi… Je sais pas pourquoi je suis comme ça… Je l’ai toujours été… Avec tout le monde… Dès qu’on veut m’aider je fais tout pour que ce soit impossible… Je deviens odieuse et on n’en a plus du tout envie… Ou bien je rends tout tellement compliqué que c’est obligé de se casser la figure… Il y a quelqu’un qui m’a dit un jour que c’était pour voir jusqu’où je pouvais le pousser le bouchon et que je le poussais toujours tellement loin que c’était impossible de pas finir par tout laisser tomber… Ce qu’ils savent pas les gens c’est que je demande que ça qu’on m’arrête… Que j’attends que ça… Qu’il y ait quelqu’un qui ait suffisamment de poigne et de caractère pour me dire… « Stop !… Tu vas pas plus loin… » et pour l’obtenir… Il y a pas grand monde qui est capable de comprendre ça… Presque personne en fait…




La Catherine de Médicis a mis un doigt sur ses lèvres…

- Chuuuut !… Tu dis rien… Tu parles pas surtout…

Elle s’est effacée pour me laisser passer. Une fille était attachée sur le lit par les poignets et les chevilles. Nue. Les yeux bandés. Les bras tendus. Les jambes ouvertes…

- Tu la reconnais pas ?…

C’était Séverine…

- T’as de la visite, ma chérie !…

Elle a soulevé la tête sur l’oreiller, l’a laissé retomber…

- Oui, t’aimerais bien savoir qui c’est, hein ?!… Ca n’a pas d’importance qui c’est… Ce qui compte c’est que c’est quelqu’un qui va s’occuper de toi… Et qui va y mettre tout son cœur… Et pas que son cœur… C’est bien ce que tu voulais, non ?… Ah, tu vois !… Qu’est-ce qu’il y a ?… Si c’est un homme ou une femme ?… Mais qu’est-ce que ça peut faire si c’est un homme ou une femme !… T’as de ces questions !… L’essentiel, c’est que ce soit quelqu’un qui sache s’y prendre, non ?… Ah, tu vois !… Bon, mais assez perdu de temps… Je suis sûre que tu meurs d’impatience…

Elle m’a fait signe, poussée vers le lit, fait allonger entre les cuisses de Séverine, pesé sur la nuque…

- Vas-y !… Et sois convaincante…

Elle était trempée. Elle a presque tout de suite gémi… La Catherine l’a détachée. Elle a refermé ses cuisses autour de moi, m’a pressé, des deux mains, contre elle, en bas, a imploré…

- Plus fort !… Plus vite !…

Elle a joui, à grands râles éperdus, la tête folle sur l’oreiller. Et elle a réclamé. Voulu encore. Et encore. A fini par retomber…

Catherine m’a doucement tirée en arrière…

- Va!… Va lui donner son goût…

Elle s’est prise sur mes lèvres, lentement savourée, à petits coups de langue gourmande… On s’est enroulées l’une à l’autre…

C’est Catherine qui nous a séparées…

- Bon, mais ça peut peut-être suffire… Faut pas abuser des bonnes choses… Vous aurez d’autres occasions…

Séverine a voulu savoir…

- Quand ?…

- Tu verras bien quand…




Il a ri…

- Pour pas s’en apercevoir faudrait vraiment y mettre de la bonne volonté… Parce qu’elles sont d’une discrétion !…

- Tu les as semées en beauté…

- C’était pas bien sorcier…

- Oui, mais en attendant plus question de nous retrouver dans notre petit chez-nous de verdure…

- On trouvera bien un moyen…

- Je vois pas lequel…

- J’ai ma petite idée… File en attendant… Si jamais on te trouve là…




- Quelle opinion vous devez avoir de moi maintenant, hein, les filles !?…

- Ben pourquoi ?

- Ben parce que… Mon mari et mon amant… Ensemble…

- C’est pas moi que ça dérange…

- Ni moi non plus… C’est toi que ça regarde de toute façon…

- J’avais pas vraiment le choix… Enfin, si, mais bon !…

- T’as pas à te justifier…

- Jamais j’aurais cru qu’un jour je serais capable de ça… Et que finalement…

- Et que finalement ?…

- J’y trouverais autant mon compte…

jeudi 2 juillet 2009

Aux délices d'Adeline ( 18ème jour )

- Cette fois ça commence à bien faire !…

Et Fournier a empoigné Milàn. Qui n’a pas protesté. Qui n’a pas cherché à se défendre. Il l’a empoigné et il a tapé. A grands coups qui s’abattaient à pleines fesses. Les filles autour avaient toutes arrêté de se doucher, les yeux rivés au derrière de Milàn. Bouche bée, Sarah s’était figée, son gel douche à la main. Caroline, mâchoires serrées, accompagnait chaque claque qui tombait d’un grand mouvement décidé du menton. Penchée en avant à l’équerre, Laurianne ne cherchait pas le moins du monde à dissimuler l’intérêt très vif qu’elle prenait au spectacle. Indifférent à tout le reste, Fournier, lui, martelait le fessier cramoisi de Milàn comme si sa vie en dépendait. Comme si ça devait ne jamais avoir de fin. Milàn gémissait. Un petit grognement obstiné, régulier, de fond de gorge. Il gémissait et bondissait du derrière en soubresauts qui lui serraient et desserraient les fesses en mesure…




Ca s’est arrêté d’un coup. Sans que rien ait pu le laisser prévoir. Sans un mot, sans un regard l’un pour l’autre, ils ont quitté la pièce. Le silence. Qui s’est prolongé. Et puis il y en a une qui a ri. Avec hésitation. Une autre. D’autres. De bon cœur…

- Une comme ça, moi, comment j’aurais pas aimé la prendre !…

- Moi, si, au contraire…

- C’est trop rigolo quand c’est un mec… J’adore…

- Surtout celui-là !…

- Comment il laissait trop tout voir…

- Et il a pas le droit de se rhabiller de la journée maintenant en plus… C’est le règlement !…

- Génial… Il y en a pas une des deux qui veut me laisser sa place aux cuisines aujourd’hui, les filles ?… Exceptionnellement… Allez, un bon mouvement, quoi !…

- T’as le droit de rêver…

- Pourquoi il la lui a donnée Fournier finalement ?… Qu’est-ce qu’il avait fait Milàn ?…

- Ah oui, c’est vrai ça… On n’a pas su… Qu’est-ce qu’il avait fait ?




- Ben oui… Qu’est-ce t’avais fait ?…

Il a souri…

- Je lui ai supposé des mœurs qui le révulsent… Et ça il supporte pas… J’ai mis le paquet en plus… Je savais à quoi je devais m’attendre… Tu as aimé ?…

- Un peu que j’ai aimé !… Et rien que de penser que c’était pour moi que tu la prenais tu peux pas savoir comment ça me remuait à l’intérieur…

- Et moi donc !…

- Pourquoi tu te l’es fait faire par un homme ?… Parce que tu préfères ?…

- Non… Parce que j’ai pensé que toi, tu préférerais… Je me suis trompé ?

- Oui… Non… Je sais pas en fait…

- Tu veux qu’on recommence avec une femme ?…

- Chiche !…

- Mais alors là, cette fois, tu te mettrais à un endroit où je pourrais te regarder regarder… Avoir tes yeux… Tout du long…

J’ai dérivé, à caresses lentes, jusqu’à ses fesses…

- Comme elles sont chaudes !…

Il me les a abandonnées. Je m’y suis promenée du bout des cheveux. J’y ai posé ma joue. Mes lèvres. Je les ai piquetées de rapides petites morsures. Il a frémi. Il s’est soulevé. Ma main sous lui. Je l’ai enserré. Il s’est aussitôt répandu sur mes doigts…




Du plus loin qu’elle m’a aperçue Laurianne est venue à ma rencontre…

- T’étais où ?

- Chez Adeline…

- Ah !… C’est bien ce que je pensais !… Il y en a qui disaient que tu devais être avec Milàn… Comme vous n’étiez là ni l’un ni l’autre… Mais qu’est-ce que t’aurais bien pu fabriquer avec Milàn !… En attendant tout le monde se demande où il peut bien disparaître comme ça pratiquement tous les après-midi… Et les filles elles croient qu’il va retrouver un mec quelque part… Que c’est pour ça que ça a chauffé ce matin avec Fournier parce qu’il y a eu quelque chose entre eux et que Fournier il apprécie pas du tout qu’il le fasse cocu… Du coup ça expliquerait pourquoi il en a rien à foutre des nanas et qu’elles ont beau toutes lui courir après c’est comme si elles pissaient dans un violon… Moi, je veux bien… Mais n’empêche que le jour où j’en ai pris une sous la douche il bandait comme un fou furieux… Et ça je l’ai pas inventé… Je l’ai pas rêvé… Non… Alors moi ce que je crois c’est qu’il marche à la voile et à la vapeur… Mais chut… Qu’elles continuent à s’imaginer qu’il est seulement homo… Moi, ça m’arrange… Elles vont laisser tomber et j’aurai le champ libre…




Ils l’ont fait servir en salle…

- Mais c’est pas sa place !…

- C’est exceptionnel… Dans un souci de justice ils ont dit… Parce qu’il y a pas de raison que quand c’est une nana on la fasse déambuler à poil devant les clients et que quand c’est un mec il ait le droit de rester planqué sous prétexte qu’il bosse aux cuisines… C’est pas complètement faux après tout… Et ça risque d’être amusant en plus…




- Ca l’était pas vraiment…

- Ca l’était pas du tout, oui… Avec l’autre gros lourd et ses croche-pied… Et dire qu’il se croit fin !… Quant aux trois folles au fond avec leurs réflexions à la mords-moi-le-nœud ce qu’elles pouvaient me taper sur le système… A lui aussi d’ailleurs… Ca se voyait…

- Ce qui est un tort… Parce qu’elles en rajoutaient…

- Oui… Tout ce qu’il a pas entendu !… Mais quand même !… J’ai du mal à croire qu’il soit attiré par les hommes… Beau comme il est !…

- Oh, alors ça !… Ca veut rien dire du tout…

- On le saura demain…

- Demain ?… Pourquoi demain ?…

- Parce que… Elles t’ont pas dit ?… Parce que demain elles vont lui tendre un piège pour savoir où il va comme ça tous les jours… Comme il part toujours du côté de la fontaine elles vont aller se planquer un peu partout où il peut passer après… Faudra bien qu’on finisse par savoir qui c’est qu’il va retrouver comme ça…