mercredi 24 décembre 2014

Fessées croisées (6)

14 heures 30


– Jamais j’aurais cru ça de Jacques…
– N’importe qui si on le pousse à bout…
– Oui, mais quand même… Jacques…
– Le type aussi, dans le bouquin, il était à cent mille lieues d’être comme ça… N’empêche qu’elle a quand même fini par le faire dégoupiller… Bon, mais c’est pas tout ça… Qu’est-ce qu’on fait, nous ?
– Un petit tour à Toulon ?
– Eh bien, allez ! En route…



16 heures




Place de la Liberté… Le même café… La même table…
– Ils sont pas là…
Ah, ben non… Non… Pour ça, non… Ils n’étaient pas là…
– Chiche qu’on les appelle…
Elle a grimacé…
– C’est prendre de sacrés risques quand même…
– Oh, tu parles ! Il va se passer quoi ? On va reboire un coup ensemble… Aller faire le tour de deux ou trois curiosités locales… Et puis voilà…
– On aura envie de les revoir… Une fois qu’on a mis le doigt dans l’engrenage… Eux aussi… Et si ça finit par déraper ? Ils sont très séduisants…
– Tu veux vraiment le fond de ma pensée ? Ça arriverait… Parce qu’attends… T’as 36 ans… J’en ai 32… À notre âge… Et ça fait des mois qu’on est privées… Que nos mecs nous délaissent… Alors on irait voir ailleurs… Discrètement… Sans faire de vagues… Ça n’aurait rien de scandaleux… Sauf qu’on le fera pas… On est trop bourrées de principes… Ou trop connes…On va se contenter de regarder le menu… Sans consommer… Allez, j’appelle, tiens…

– Vous voulez faire quoi ?
– On sait pas… Décidez, vous… Vous connaissez… Pas nous…
– Alors, pour commencer, on vous emmène au Mourillon… C’est très sympa toutes ces petites rues, vous allez voir…
On connaissait déjà… On avait arpenté… En long et en large… On y avait même fait quelques emplettes… On n’a rien dit… On leur a laissé croire… Qu’on découvrait… Avec eux… Grâce à eux…

Christine et Jaufret avaient pris un peu d’avance, engagés dans une conversation manifestement animée… Enzo s’est arrêté, m’a posé la main sur le bras… J’ai frissonné… Je ne l’ai pas retiré… Il a cherché mes yeux…
– Pourquoi vous avez l’air si triste, petite Madame ?
– Mais je suis pas triste…
– Vous dites ça d’une petite voix désespérée…
– Mais non, mais…
J’ai rougi… Balbutié… Les deux autres s’étaient arrêtés pour nous attendre… J’ai retiré mon bras… On les a rejoints…



20 heures 30


Geneviève a attendu que tout le monde ait pris place à table… A réclamé le silence…
– Je voudrais revenir un instant – juste un instant – sur ce qui s’est passé à midi… Mélanie a présenté ses excuses à Jacques qui les a acceptées… L’incident est donc clos… À condition, bien entendu, que son comportement et ses propos soient désormais irréprochables… Elle a pris à ce sujet des engagements très précis… Et si, d’aventure, elle ne tenait pas parole…
– Je tiendrai… Je tiendrai… J’ai promis…
– Mais je n’en doute pas une seule seconde, ma chérie…



23 heures



Je rêvais… D’Enzo… Il voulait… Je ne voulais pas… Il voulait… Je voulais aussi… Et il me caressait… Se faisait précis… De plus en plus précis… Si précis que… J’ai vaguement émergé du sommeil… Mais il était là ! Il était vraiment là… Pelotonné contre moi… Ce n’était pas lui… C’était Gilles… Gilles qui se faisait insistant… Pressant… Gilles dans les bras de qui j’ai eu mon plaisir… Il y avait si longtemps…

jeudi 18 décembre 2014

Fessées croisées (5)

19 juillet


– Quand même… Quand même… La question que je me pose, c’est qu’est-ce qu’elle a bien pu venir fiche ici…
– Ah, ça !
Et Christine s’est retournée sur sa serviette de plage…
– Non, je sais pas, moi ! Parce que mon mec chercherait du boulot, je resterais avec… Je filerais pas me dorer le cul au soleil… Et chez ses parents à lui en plus…
Elle a fait claquer l’élastique du maillot contre sa fesse…
– Elle sait bien ce qu’elle fait, va ! Mais la v’là, tiens ! Tu vas pouvoir lui poser la question…

– Oh, il a pas besoin de moi… Il peut se débrouiller tout seul… Il est grand… Non… Et puis je serais plus un handicap qu’autre chose… Je sais trop bien comment ça se passerait… Parce que quand il m’a sous la main Bruno il peut pas s’empêcher… Il pense plus qu’à ça… Et comme moi, de mon côté, je laisse pas ma part aux chiens, c’est des coups à pas s’endormir avant quatre heures du matin, ça… Et à pas se lever avant trois heures de l’après-midi le lendemain… Pour chercher du boulot, c’est vraiment pas le top…



13 heures


Elle est passée à table dans son petit bikini à fleurs… Jacques lui a jeté un regard noir, mais n’a rien dit…
– J’ai vu Maxime ce matin… Je lui en ai reparlé… C’est bien ce que je disais, hein…
Geneviève a soupiré…
– Oh, non ! Ça va pas recommencer !
– Je recommence pas… Mais n’empêche que c’est bien ce que je disais… Il est parti en courant Charles…
Jacques s’est levé…
– Bon… Cette fois ça suffit… Ça suffit vraiment… Fiche-moi le camp ! Dans ta chambre… Où tu veux, mais fiche-moi le camp… Tant que tu ne te comporteras pas de façon civilisée, je veux plus te voir à table…
Il l’a empoignée sous les aisselles… Soulevée… Traînée vers la porte…
– Vous avez pas le droit… J’ai le droit… J’ai le droit d’être là si je veux…
En se débattant, elle a accroché, avec les pieds, la table d’angle qui a basculé… Cactus, téléphone, statuette égyptienne, tout est allé s’écraser au sol dans un grand fracas… Elle a profité du moment de flottement qui s’en est suivi pour lui échapper et tenter de venir se rasseoir… Il ne lui en a pas laissé le temps… Au moment où elle allait toucher au but, il l’a rattrapée… Saisie à bras-le-corps… Un cri… De douleur… De douleur et de stupéfaction…
– Elle m’a mordu ! Mais elle m’a mordu ! Cette folle m’a mordu…
Effectivement… Dans le gras du bras… Et elle y était allée de bon cœur… Deux petits filets de sang serpentaient à toute allure en direction du pli du coude…
– Oh, mais alors là, tu vas me payer ça, ma petite… Je peux te dire que tu vas me payer ça…
Il lui a passé un bras autour de la taille, l’a courbée sur son genou… Lui a dégagé une fesse, la culotte du maillot ramenée au milieu dans la raie… Et puis la deuxième… Et il a tapé… Une fessée… Une vraie fessée… Longue… Déterminée… Retentissante… Qui ne lui a pas arraché un cri… Pas une larme… Tout au plus quelques gémissements à la fin…
– Là ! Et je te conseille de te tenir à carreau dorénavant… Sinon…
Il l’a lâchée… C’est d’elle-même qu’elle a, aussitôt, pris, la direction de la porte… Aussi vite qu’elle a pu… Sans un mot… Sans même prendre le temps de remettre sa culotte en place… Tous les regards sont restés rivés, jusqu’à ce qu’elle disparaisse, à son derrière écarlate…
Jacques s’est rassis…
– On va enfin pouvoir manger tranquilles…



14 heures 30


– Jamais j’aurais cru ça de Jacques…
– N’importe qui si on le pousse à bout…
– Oui, mais quand même… Jacques…
– Le type aussi, dans le bouquin, il était à cent mille lieues d’être comme ça… N’empêche qu’elle a quand même fini par arriver à ses fins… Bon, mais c’est pas tout ça… Qu’est-ce qu’on fait, nous ?
– Un petit tour à Toulon ?
– Eh bien, allez ! En route…

jeudi 11 décembre 2014

Fessées croisées (4)

18 heures


– Gilles…
On venait de se lever de table…
– Oui… Quoi ? Qu’est-ce qu’il y a ?
– On monte se faire un petit bout de sieste tous les deux ?
– J’arrive… Je bois un café avec eux vite fait et j’arrive…
J’ai attendu… Dix minutes… Un quart d’heure… Une demi-heure… Une heure… Il n’est pas venu…
J’ai fini par aller frapper à la porte de la chambre de Christine… Qui a haussé les épaules…
– T’y croyais vraiment ?
– Un peu quand même…
– Oui, ben moi, il y a longtemps que j’ai renoncé… Que j’en ai pris mon parti… Et que je fais avec… Si on allait faire un tour, tiens, plutôt… Un peu de shopping à Toulon ça te dirait pas ?

– Et c’est parti… Dans une demi-heure on y est… T’en penses quoi, toi, de cette histoire de Bruno qu’aurait pas été un enfant désiré ?
– C’est la première fois que j’entends parler de ça…
– Moi aussi… Ou bien elle a tout inventé… Ou bien c’est Bruno…
– À moins que ce soit vrai et que nos conjoints n’aient pas été au courant…
– Ou qu’ils ne nous aient rien dit…
– Dans tous les cas de figure, c’est un truc à foutre une pagaille monumentale… Je me demande bien à quoi elle joue…
– Tu devrais lire le bouquin, là… Je t’assure que tu devrais le lire… Tu comprendrais plein de choses…

On a longuement erré par les rues commerçantes de Toulon… De boutique en boutique… Et puis on a atterri à une terrasse de café, place de la Liberté… Deux types sont venus, presque aussitôt, occuper la table voisine…
– T’as vu ? Non, mais t’as vu ces Chipendales ?
– Pas mal… Faut reconnaître… Oui… Pas mal…
Ils nous ont superbement ignorées… Un long moment… Et puis ils ont – enfin ! – engagé la conversation… On n’était pas de Toulon, hein ? Non… Oh, non… Oui, ça se voyait… À quoi ? Oh, comme ça… Ça se voyait… Et, de fil en aiguille, ils nous ont proposé de nous faire visiter la ville…
– Et pas ce qui traîne dans tous les guides touristiques… C’est pas là qu’elle est l’âme de Toulon… Elle se cache… Il faut savoir aller la débusquer…
Et poètes avec ça… Bon, mais peut-être… On savait pas… On verrait… On leur dirait… Ça allait dépendre… Ils n’ont pas insisté…
– C’est comme vous voulez… Si vous voulez… Quand vous voudrez…
Et ils nous ont laissé leurs 06…

Dans la voiture on est restées un long moment silencieuses…
– À quoi tu penses ?
– À rien… Et toi ?
– Quand même… Faut reconnaître… Ils ont sacrément de la chance qu’on soit pas du genre à aller voir ailleurs nos mecs… Parce qu’on aurait d’excellentes raisons pour ça… Quand ça fait des mois et des mois que…
– Il y en a plein d’autres, à notre place, elles auraient pas de tant de scupules… Ça, c’est sûr…
– Peut-être qu’on est trop connes… Ou trop coincées…



22 heures



Faut qu’elle s’en prenne à quelqu’un… Elle peut pas s’empêcher… Ce soir, c’était au tour de Charles… Oui… Qu’il nous raconte un peu… Il s’était passé quoi la fois où Maxime s’était retrouvé à l’hôpital ? Jamais on avait vraiment su… Geneviève lui a coupé la parole…
– Oh, c’est de la vieille histoire tout ça…
– Si j’ai bien compris – reprends-moi si je me trompe, Charles – si j’ai bien compris, vous sortiez de bôite et vous êtes tombés sur trois types qui s’en prenaient à une nana… Qui cherchaient à l’emmener de force… Maxime et un autre type se sont précipités à son secours… Mais toi, t’as pris la poudre d’escampette…
– C’est pas vraiment comme ça que ça s’est passé…
– Ah, oui ? Comment alors ? Pourtant ce que dit Maxime… Et ce que dit la fille…
Il a jeté sa serviette sur la table… Renversé sa chaise…
– Elle va faire chier le monde longtemps cette petite merdeuse ?

Maintenant je suis dans la chambre et eux dehors… Sous la tonnelle… Comme tous les soirs… Ils en ont pour jusqu’à deux heures du matin… Au moins… Moi, je n’ai plus qu’à aller me coucher et à rêver à nos Chipendales de tout-à-l’heure…

lundi 8 décembre 2014

Fessées croisées (3)

18 juillet


On a encore pris le petit déjeuner toutes les deux toutes seules… Elle a soupiré…
– Et j’ai bien l’impression que ça va être toutes les vacances comme ça…
– Oui… Dès qu’ils se retrouvent entre eux il y a plus rien d’autre qui compte… Nous, on n’existe pas…
– Moi, ce que je finis par me demander, c’est quand – et si – j’existe à ses yeux…
– Tu devrais éviter de te poser ce genre de question… Tu risques de finir par trouver la réponse… Bon, allez, on y va plutôt, tiens !

Elle a refermé le bouquin… Fait couler une poignée de sable entre ses doigts…
– Tu l’as fini ? Et alors ?
– Mouais… Mouais… Je sais pas quoi penser… Si c’est pas romancé… Si elle a vraiment vécu ça…
– Ce qui a l’air d’être le cas… Si on en croit la dédicace…
– Oui, ben je vais la voir sous un autre jour, moi, maintenant…
– Mais ça raconte quoi au juste ?
– Tout est parti de ce qu’il cherchait des sujets de roman l’écrivain… Il avait posté une annonce dans ce sens sur un forum… Elle l’a contacté… Lui a parlé d’un voisin d’âge mûr, un dénommé Gabriel, qui était aux petits soins pour elle… Toujours prêt à lui rendre service… Il l’a mise au défi de se comporter en gamine insupportable avec ce type… Et de lui raconter, à lui, au jour le jour… Oui, ben alors là s’il croyait qu’elle était pas capable… Surtout qu’elle était bien un peu comme ça tout au fond d’elle-même… Beaucoup même des fois… Et elle est entrée à fond dans le jeu… Toute fière à l’idée de devenir, en quelque sorte, une héroïne de roman… Elle s’est montrée résolument odieuse… Effrontée… Méprisante… Grisée par sa propre arrogance, elle a très largement dépassé les bornes… Jusqu’à ce que ce Gabriel finisse, exaspéré, par la menacer d’une bonne fessée déculottée… Hein ? Oui, ben alors là ! Qu’il essaie pour voir… Il ne s’est pas contenté d’essayer… Il a récidivé… Tant cette première correction avait donné des résultats spectaculaires… Du tout au tout elle avait brusquement changé… Ça lui avait fait le plus grand bien… Elle le reconnaissait elle-même… Polie, attentionnée, aimable ça l’avait rendue… Et il suffisait d’une petite piqûre de rappel chaque fois que ses vieux démons se réveillaient pour que…
– Oui… Elle aime la fessée, quoi ! En gros c’est ça, hein ?
– Ben, apparemment non… Pas du tout… Au contraire… Elle a horreur de ça… Mais elle n’a pas de limites… Pas de repères… Et elle a besoin – elle en a parfaitement conscience – qu’on la remette dans les clous… Que quelqu’un doté d’une autorité naturelle la recadre régulièrement… Pour son bien… Ce qui, quand ce quelqu’un le juge nécessaire, passe par la fessée… C’est ce qu’en dit l’écrivain en tout cas…
– Et Bruno dans tout ça ?
– Il en est jamais question… Ils devaient pas se connaître à l’époque où ça s’est passé… De toute façon Bruno…
– Tiens, la v’là !
– On lui en parle pas, hein ! On lui dit pas que je l’ai lu…

– T’en fais une tête ! Qu’est-ce qui se passe ?
– Rien… J’ai pas dormi de la nuit…
– Oui, ben ça ! Avec la pleine lune…
– C’est pas la pleine lune, non… C’est que je l’ai encore eu au téléphone hier soir Bruno… Et que je me demande ce qu’on va devenir… Parce qu’il trouve rien, mais ce qui s’appelle rien…
– Faut dire que dans le contexte actuel…
– Ça fait pas tout le contexte… La preuve : il y en a qui trouvent… Seulement encore faut-il avoir un minimum de diplômes…
– Ce que Bruno n’a pas…
– Et pour cause… Parce que les deux aînés, là, vos maris, ils ont eu droit à tout… Ils foutaient rien en classe ? Pas de problème… On les a expédiés dans le privé… Et pas n’importe quelle boîte… Le haut de gamme… Qui coûte la peau des fesses… Bruno, lui, cette chance-là il l’a pas eue… Il a fallu qu’il se contente du tout-venant… Alors quand je vois que l’autre, là, il prétend que s’il a tout raté, c’est juste parce que c’est un gros flemmard je peux pas vous dire ce que ça me fait… Non… La vérité, c’est que ça a toujours été le vilain petit canard Bruno… Pour tout… Ils en voulaient pas… C’était un accident… Ils le lui auront assez fait payer…



14 heures


Elle a remis ça sur le tapis au dessert…
– Vous nous avez jamais vraiment expliqué pour Bruno… C’est la contraception qu’a foiré, c’est ça ?
– Si on te le demande…
– Et l’avortement, c’était hors de question… Qu’aurait dit monsieur le curé…
Jacques s’est levé… L’a soulevée de sa chaise… Poussée vers la porte…
– File ! Dégage ! Quand tu sauras te contenter de te mêler de ce qui te regarde tu pourras revenir…

mardi 2 décembre 2014

Fessées croisées (2)

17 juillet


On a fini de déjeuner… Toutes les deux… Sous la tonnelle…
– Qu’est-ce qu’on fait ? On attend nos hommes ou on descend à la plage ?
– Oui, oh, vu l’heure à laquelle ils se sont couchés, ils sont pas près d’émerger…
– De toute façon, eux, la plage…
– Eh, ben, allez alors !

Mélanie nous y a rejointes sur le coup de dix heures… Avec un bouquin… Qu’elle a tourné… Retourné dans tous les sens… Posé… Repris… Reposé…
– C’est quand même fou, ça !
– Quoi donc ?
– Non, mais jamais je serais allée m’imaginer un truc pareil, moi ! Jamais !
– Si tu nous disais au lieu de procéder par énigmes…
– Oh, rien ! Non… C’est juste qu’il y a un écrivain qui m’a dédicacé son bouquin…
– Oui, ben ça, tu sais, c’est monnaie courante… Suffit de leur demander… Ils se font qu’un plaisir…
– Non, mais je veux dire… Pas le truc au stylo qu’ils font à tout le monde… Imprimé… Sur la page juste après le titre… « À Mélanie H. dont cet ouvrage restitue, aussi fidèlement que possible, le cheminement, fait d’élans et de rebuffades, qui l’a progressivement amenée au plus près et au plus profond d’elle-même… » Vous vous rendez compte ? Et il est connu en plus ce type… Ça en fait cinq qu’il publie…
– Et ça parle de quoi ?
– C’est difficile à raconter comme ça…
– Donne-nous au moins le titre…
– « La double vie de Mélanie… » Bon, mais allez ! J’y vais, moi… Faut que je l’appelle… Que je le remercie…
Et elle s’est enfuie… En soulevant des nuages de sable…
– Fallait absolument qu’elle en parle à quelqu’un…
– Et c’est tombé sur nous…
– Mais elle regrette déjà de ne pas avoir su tenir sa langue…
– N’empêche… Je me demande bien ce que…
– Confidence pour confidence moi aussi… Oh, mais on a le titre… Suffira de se le procurer…


16 heures


Une petite sieste… Prétexte à m’offrir longuement du plaisir… La fenêtre ouverte… Avec les bruits du dehors en toile de fond… Les chants des oiseaux… De la musique, quelque part, dans le lointain… Et puis leurs voix… Leurs voix à eux… Tout près, sous la tonnelle… Est-ce que Christine les entendait, elle aussi, de sa chambre ? Est-ce qu’elle était en train, tout comme moi, de s’occuper amoureusement d’elle-même ? Peut-être… On avait effleuré le sujet l’année dernière et c’est un plaisir qu’elle ne boude pas… Au contraire… Du coup je l’ai imaginée étendue là, à mes côtés… On est venues en même temps… Et on a étouffé nos cris dans les oreillers…


19 heures


Christine n’était pas à la sieste en fait… Elle était partie écumer les librairies de la région à la recherche du bouquin de Mélanie ce matin sur la plage…
– Fallait me le dire… Je serais venue avec toi…
– Ça m’a prise d’un coup… J’ai pas voulu te réveiller…
– Je dormais pas… Je… Tu l’as trouvé ?
– Non sans mal… Il a fallu que je coure jusqu’à Toulon…
– Et alors ?
– Je sais pas… J’ai juste jeté un œil comme ça… Vite fait… C’est… assez surprenant…
– Parce que ?
– Je préfère rien dire… Je verrai ça ce soir… J’aurai tout mon temps… Parce que je suppose que nos chers et tendres vont encore refaire le monde jusqu’à des heures indues… Je te dirai demain… Et puis je te le passerai…


23 heures


Il a été question de Bruno ce soir à table… Bruno qui a, apparemment, de gros problèmes au boulot… Il va vraisemblablement perdre sa place… « S’il prenait un peu moins tout en dilettante aussi ! » a soupiré son père… Ce qui a eu le don de mettre Mélanie en fureur… « S’il avait eu l’opportunité de faire des études aussi… » « Mais il l’a eue ! Il l’a eue… Seulement il est feignant comme une couleuvre… » Ça a failli dégénérer… Et il a fallu, comme hier, que Geneviève joue les médiatrices…

dimanche 30 novembre 2014

Fessées croisées (1)

16 juillet

Dans une heure on sera partis… En route pour le Lavandou. Comme l’année dernière. Comme celle d’avant. Et comme, très vraisemblablement, toutes celles à venir. Gilles ne conçoit pas les vacances ailleurs que là où il les a toujours passées. Ailleurs que chez papa-maman. Ce qui n’a rien d’insupportable en soi : ses parents sont des gens charmants qui se mettraient en quatre pour faire plaisir. Ses deux frères sont d’un commerce agréable. Je m’entends à la perfection avec Christine, la femme de Charles, à qui je fais mes confidences… Et c’est réciproque… Moins avec Mélanie, la compagne de Bruno, qui a tendance, sous prétexte qu’elle poursuit des études de linguistique, à prendre tout le monde de haut et à étaler, à tout bout de champ, ses connaissances. Mais bon… elle est jeune – tout juste 22 ans – et à condition de la recadrer chaque fois que c’est nécessaire, on arrive à faire avec. Non. Ce sont de vraies vacances qui nous attendent. Avec grasses matinées, petits déjeuners qui s’éternisent, plage, mer, soleil, farniente. Que demander de plus ? Que demander de mieux ? Rien sans doute. Enfin, si ! Si ! Quelques jours en tête à tête avec Gilles. Seule à seul. Tous les deux. Rien que nous deux. Que nous puissions nous extirper de la routine. Du quotidien. Nous retrouver. Parce qu’on est en train de se perdre, là. Tout doucement. Insidieusement. Sans heurts. Sans à-coups. On se parle, oui… Pour échanger des banalités. On dort ensemble. On dort et c’est tout. Il n’a plus envie de moi. Et je ne suis pas sûre d’avoir envie de lui. Alors peut-être que si on avait réussi à s’évader un peu… Je ne le lui ai pas demandé : je sais trop bien quelle aurait été la réponse…



18 heures




Christine m’a aidée à me réapproprier la chambre, à vider les sacs et à en répartir le contenu dans les placards muraux pendant que nos chers maris sirotaient – déjà ! – un pastis sur la terrasse en compagnie de leur père…
– Il y a longtemps que vous êtes là ?
– Quatre jours… Samedi on est arrivés…
– Et alors ? Ça se passe comment ?
– Oh, comme d’habitude… Tranquille…
– Mélanie ?
– Avec nous elle est charmante… Par contre avec les beaux-parents, c’est plus que limite… Elle est d’une agressivité… Sûrement il y a eu quelque chose… Je sais pas quoi, mais il y a eu quelque chose… Ou alors ça a à voir avec le départ précipité de Bruno…
– Mais oui, c’est quoi à propos cette histoire ? Il est passé où ?
– Alors ça ! Pour savoir… Ce qu’il y a de sûr, c’est qu’il a filé comme un dératé avant-hier… En la laissant là… Soi-disant que le boulot le rappelait en urgence… Mais bon…
– Il y a de l’eau dans le gaz ?
– C’est pas l’impression que ça donne… C’est pas ce qu’elle dit non plus…
– Et toi, avec Charles, ça en est où ?
– Au même point… Exactement au même point que l’an dernier… C’est convivial… Jamais un mot plus haut que l’autre… Mais il y a rien… Il y a plus rien… Des mois qu’il m’a pas touchée… Alors ou bien je fais avec… En m’offrant un petit extra de temps en temps… Quand un type me plaît…
– C’est arrivé ?
– Pas encore, non… Ou bien je me tire carrément… J’y pense de plus en plus… Faudrait vraiment pas grand’chose pour que je saute le pas maintenant… Et de ton côté ?
– Copie conforme… À croire que c’est toujours comme ça que ça se passe… Pour tout le monde… Qu’après quelques années… C’est désespérant… Complètement désespérant…



22 heures


Mélanie est descendue en maillot… Un deux-pièces grenat… Qui a fait froncer les sourcils au beau-père…
– C’est pas une tenue pour passer à table, ça !
– Oh, ben quoi ! Avec la chaleur qu’il fait…
– Quand même ! Il y a des limites…
– Ce que vous pouvez être vieux jeu ! C’est pas croyable, ça !
Geneviève a posé la main sur l’avant-bras de son mari…
– Laisse, Jacques ! Laisse !
Et s’est tournée vers moi… Ça allait ? On était bien installés ? Si on avait besoin de quoi que ce soit…
Le dessert avalé, les hommes sont retournés sur la terrasse… Avec des bières… Ils y sont encore…






jeudi 23 octobre 2014

Le Centre (75)



75

– Ça y est ?
– Ben oui, ça y est, oui…
– Eh bien, raconte, quoi !
– Il y a rien à raconter… J’ai fait ce qu’il voulait… Je l’ai fait… Et puis voilà…
– Il te reste plus qu’à espérer qu’il tienne sa promesse… Qu’il aille pas chanter ça sur tous les toits… T’aurais bonne mine…
– Et aussi à espérer qu’il va me foutre la paix maintenant… Qu’il va pas être sans arrêt après moi…
– Parce que ?
– Parce qu’il est allé se mettre dans la tête que j’adore ça les fessées…
– Il est en droit de le penser, non ? Après ce que tu lui as montré…
– Et il se verrait bien m’en flanquer une…
– Ça te tenterait pas ?
– Non, mais ça va pas ! Manquerait plus que ça !
– Je sais pas, moi… C’est pas mon truc… Mais enfin j’essaie d’imaginer… Je suppose que s’en coller toute seule, même si on y trouve d’une certaine façon son compte, ça doit finir par être frustrant au bout d’un moment… On doit avoir envie de la main de quelqu’un d’autre, non ?
– Ah, ben ça !
– Eh ben alors !
– Mais c’est un gamin enfin ! Vingt ans… Non, mais tu te rends compte ?
– Mouais…
– Ça te choquerait pas, toi ?
– Il en a déjà vu pas mal… Alors un peu plus un peu moins…
– S’agirait pas seulement de voir cette fois, mais de… Oh, non… Non… Comment j’aurais trop la honte… Il en est pas question… Alors ça il en est pas question…
– C’est toi qui vois, hein ! Moi, ce que j’en dis…


– Il a voulu que je reste…
– Qui ça ?
– Ben, Léo, tiens… Au boulot hier soir… Il a voulu que je reste… Il a inventé des prétextes… Jusqu’à ce que tout le monde soit parti… Qu’il y ait plus que nous…
– Histoire de t’en flanquer une, j’parie…
– Non… Oh, non… Non… Pas ça… Non… Ce qu’il voulait, c’était voir les traces de l’autre soir en vrai… « Parce que tu comprends… À la cam, c’est pas pareil… On en profite pas autant… »
– Et alors ? Tu lui as montré ?
– Ben, oui… Oui…
– Parce que ? Il t’a menacé ?
– Non… Pas vraiment, non… C’est plutôt… Je sais pas comment expliquer… C’est plutôt qu’il paraissait tellement sûr que j’allais le faire… Certain que j’allais pas dire non… Que c’en devenait impossible de pas en passer par où il voulait… Tu comprends ?
– Pas vraiment, non… Bon, mais… et alors ?
– Et alors… Ben rien… Il a regardé…

– C’est toi qui l’as baissé ta culotte ou c’est lui ?
– Qu’est-ce que ça peut faire, ça ?
– C’est lui, hein ? Je suis sûre que c’est lui… Il a touché ?
– Non, mais ça va pas ! Manquerait plus que ça…
– Même pas effleuré ? Juste sur les marques ?
– Et quand bien même il aurait effleuré, ç’aurait pas été un drame…
– Il faisait quoi alors s’il touchait pas ?
– Il regardait… Et puis il parlait…
– Ah, oui ? Il disait quoi ?
– Oh, mais t’en as pas marre de toutes ces questions sans arrêt ?
– C’est pas bien difficile à deviner ce qu’il disait… Eh ben dis donc ! Toi qui voulais pas avoir honte… T’as dû être servie…

lundi 29 septembre 2014

La petite vendeuse (23)

– Vous avez fait que ça ? En trois heures ?
– C’est parce que…
– Parce que quoi ?
– Aliane m’a donné des trucs qu’étaient urgents et j’ai pas eu le temps du coup…
– Non, mais vous vous fichez de moi ? Faut cinq minutes pour déballer deux cartons… Me dites pas que vous les avez pas eues…
– Ben si, mais…
– Mais rien du tout… Vous avez glandé et puis voilà… Bon, mais je vais vous en faire passer l’envie, moi, vous allez voir… Je peux vous assurer que je vais vous en faire passer l’envie… Et une bonne fois pour toutes… Allez, amenez-vous là… Vous savez ce qui vous attend, je suppose…


– Qu’est-ce qu’on entend bien du magasin, à côté… C’est de la folie… Comme si on était là, dans la réserve, avec vous…J’aurais pu compter les coups si j’avais voulu…
– Et encore ! La porte était fermée… Le jour où on la laissera ouverte…
– T’as pas dû taper bien fort… Elle a pas crié… À peine gémi…
– Oh, si ! Si ! Tiens, regarde ! Tournez-vous, vous ! Tu vois ?
– Ah, oui ! Quand même… Elle a dû sacrément se retenir, dis donc ! La prochaine fois faudra lui faire au martinet… Ou à la cravache… Oui… Plutôt à la cravache… Et alors là je la mets au défi… Si vraiment elle arrive à pas bramer je lui tire mon chapeau… Surtout si c’est moi qui officie…
– Il y a du monde qu’est passé au magasin pendant que je m’occupais d’elle ?
– Un peu… Un bonhomme… C’était la première fois que je le voyais… Et puis la vieille mère Robin… Qu’a très bien compris ce qui se passait… Qui, comme par hasard, était attirée par les rangées de pulls près de la porte de la réserve… Elle crevait d’envie d’y coller l’oreille…
– Elle t’a dit quelque chose ?
– Non… Rien… Mais son air parlait pour elle… Elle jubilait… Elle jubilait littéralement… Ah, tu peux être tranquille que si les gens étaient pas au courant maintenant ils vont l’être… Ça va faire le tour du pays… Bon, mais on en fait quoi d’elle en attendant ?
– Qu’est-ce t’aimerais ?
– Qu’on la laisse comme ça… À poil… Et qu’on la foute au coin… Les mains sur la tête…
– Oui… Ça va lui donner l’occasion de réfléchir un peu… Parce qu’après tout ce qu’on a fait pour elle, elle pourrait au moins avoir la décence de mettre un minimum la main à la pâte…
– Oui, oh, mais ça ! Un poil long comme ça elle a dans la main… On lui demande pas grand chose pourtant…
– Oh, mais ça va changer… Je peux t’assurer que ça va changer… Qu’elle le veuille ou non… Eh bien, vous ! Vous avez entendu ? Oui ? Eh bien alors ! Qu’est-ce que vous attendez ? C’est quand même un monde de devoir tout vous répéter comme ça sans arrêt…


Il s’est passé une heure… Une autre… À côté ça parlait… Ça marchait… Ça riait… Une autre heure encore… Et puis Léonie est venue… Elle m’a bandé les yeux… Sans un mot… Est repartie… Revenue… Encore repartie… Encore revenue… Il y avait quelqu’un avec elle… Ça a chuchoté… Ça s’est esclaffé…Plusieurs ils étaient… Au moins trois…
– Mais c’est que c’est vrai en plus ! J’y croyais pas… J’y croyais vraiment pas…
– Ah, ça, moi non plus !
Une voix d’homme… Une voix de femme… Jeunes toutes les deux…
– On vous l’avait dit… On vous l’avait pas dit ?
– C’est fou… C’est complètement fou…
Un doigt qui m’effleure les fesses… Une main qui les parcourt et reparcourt…
– C’est tout chaud…
Une deuxième la rejoint…
– Elle doit déguster n’empêche…
On me palpe… On me triture… On me saisit à pleine chair…
– N’empêche… N’empêche… J’aurais bien voulu voir ça…
Et la voix de Léonie…
– Oh, mais vous verrez… La prochaine fois vous verrez…

– C’était qui ces gens-là ?
– Ça vous regarde pas…

dimanche 21 septembre 2014

Le Centre (74)



– Tu l’as vu ?
– Ben oui… Forcément, ça ! Au boulot…
– Et alors ?
– Je sais pas… Au début, quand on s’est dit bonjour, il m’a paru complètement normal… Mais après… À la machine à café…
– Il t’a dit quelque chose ?
– Rien de spécial, non… Mais sa façon de me regarder…
– Peut-être que tu te fais des idées…
– J’espère…
– Ou que c’est toi qui lui as paru bizarre… À force d’épier ses réactions… Et que c’est pour ça ses regards…
– Peut-être, oui… Peut-être… Vaudrait mieux…


– Mais arrête de te prendre le chou avec ça…
– Je me prends pas le chou !
– Ah, non ? Ça fait trois jours que tu parles que de ça… Que tu penses qu’à ça… Que tu épluches le moindre mot, le moindre sourire, le moindre froncement de sourcil de ce Léo… Que tu ne vis plus que par lui… Qu’à travers lui…
– Non, mais tu te rends pas compte… Tu te rends pas compte quel enfer c’est pour moi… Quelle épée de Damoclès j’ai suspendue au-dessus de la tête… T’imagines s’il se met à raconter ça ? Rien que d’y penser…
– Il l’aurait déjà fait…
– Il l’a peut-être fait… Sûrement d’ailleurs… Alors, pour le moment, on se contente de rigoler derrière mon dos… Jusqu’au jour où ça va me revenir en pleine figure… D’ailleurs il y en a deux ce matin elles chuchotaient en me regardant… En me regardant et en rigolant en douce…
– Toi, t’es en train de devenir complètement parano…


– Je lui ai parlé… J’en pouvais plus… J’en pouvais vraiment plus… Alors je lui ai carrément demandé s’il l’avait éteinte sa cam l’autre soir…
– Et ?
– Il m’a dit que non… Qu’elle était restée allumée…
– Ah…
– Et qu’il regrettait pas… Parce que ce que ça lui avait permis de voir… Mais que jamais il aurait cru ça de moi… Jamais… J’étais mal, mais mal…
– J’imagine…
– Il en a pas parlé en tout cas…
– T’es sûre ?
– Il me l’a juré… « Non… J’en ai pas ENCORE parlé… J’attendais que tu sortes du bois… Je savais que tu finirais par le faire… Et je n’en parlerai pas, mais à une condition… J’ai beaucoup apprécié le délicieux petit spectacle que tu m’as offert l’autre soir… Alors tu vas recommencer… »
– Le salaud ! Non, mais quel salaud !
– J’ai bien essayé de discuter… De l’apitoyer… Il y a rien eu à faire… « C’est à prendre ou à laisser… Et le même spectacle je veux… Exactement le même… Et ce soir sans faute… Sinon demain matin toute la boîte est au courant… Et je fournirai des preuves de ce que j’avance »
– Quelle petite ordure !
– Ah, ça, tu l’as dit…
– Tu vas faire quoi ?
– Comme si j’avais le choix…
– Tu peux peut-être essayer de gagner du temps… Ou… Je sais pas, moi…
– C’est reculer pour mieux sauter… Il est vraiment très déterminé, tu sais ! Alors plus vite ce sera fait plus vite je serai débarrassé…


– Jessica ? T’en as mis un temps pour te connecter ! Bon, ben allez ! À toi de jouer… Et comme l’autre soir, hein ! Exactement comme l’autre soir…
 (à suivre)